Les Sous-sols du Révolu (Mathieu)
Le mois de l'OuBaPo se prolonge sur k.bd, avec une œuvre pour le moins singulière, puisqu'il s'agit des Sous-sols du Révolu. Un album qui s'inscrit dans la collection du célèbre Musée du Louvre (Période glaciaire, Aux heures impaires, Le ciel au-dessus du Louvre), et qui est réalisé par le non moins célèbre Marc-Antoine Mathieu (Julius Corentin Acquefacques, Dieu en personne). Scénographe de formation, l'auteur a toujours joué avec les lumières et la mise en forme dans chacune de ses bande dessinées, ce qui donne toujours un rendu surprenant.
Pourquoi l'associer à l'OuBaPo me direz-vous ? Je laisse là la parole à Champi :
« L'OuBaPo implique souvent un jeu sur les codes de la BD. C'est en ce sens que je considère que les albums de Marc-Antoine Mathieu s'y rattachent toutes peu ou prou.
Le Musée du Révolu est une variation anagrammatique sur le Musée du Louvre, et je trouve que, en cela, c'est une œuvre de l'OuBaPo. De plus, si l'on fait attention à la mise en page, des règles strictes d'organisation me semblent à l'ouvrage à l'échelle de l'album. »
Voilà, vous savez tout !
Les Sous-sols du Révolu, c'est l'histoire d'Eudes le Volumeur. Un expert qui a été mandaté pour réaliser un inventaire exhaustif du Musée, dont le nom est une anagramme de celui qui a été oublié depuis des générations. Affublé de Léonard, son commis de service, il parcours les profondeurs du Musée dans un périple long de dix-huit mille cent trente-quatre jours.
Ils s'enfoncent toujours plus loin, passent les département les uns après les autres : dépôt de moules, atelier de restauration, formation des gardiens... Car c'est là le principe même de cette œuvre : le Musée tel que nous le connaissons n'est que l'infime partie visible de l'iceberg, le sommet de la pyramide ! Un entrelacs de salles s'étale sous les pieds des visiteurs, formant un dédale insondable et souterrain, un labyrinthe sans fond.
Dans une mise en abyme incessante, Marc-Antoine Mathieu nous entraine dans cette improbable plongée, que David se risque même à qualifier de surprenant voyage dans les entrailles de la gigantesque bête.
Sans temps morts, nous allons de service en service et de surprise en surprise. Chaque chapitre est une nouvelle expérience, une nouvelle situation, et aussi une nouvelle réflexion sur le nom véritable du Musée. Les anagrammes pleuvent et ne manquent pas d'amuser : Musée du Révolu, Musée du Voleur, Voulu démesuré, l'Œuvre du Muselé...
Cette mise en profondeur qui se retrouve à plusieurs niveaux de lecture, que ce soit dans l'œuvre dans l'œuvre, dans la réserve des tableaux, ou même l'œuvre dans l'Art, au travers de l'entrepôt des cadres. Chapitre dans lequel on retrouve expliquée l'essence même de la bande dessinée, quand une succession de toiles donne une narration picturale séquentielle.
Marc-Antoine Mathieu nous montre ô combien il maîtrise son sujet, nous gratifiant que quelques scènes qui valent le coup d'œil et court-circuitent les méninges. Le clin d'œil à la Joconde n'aura échappé à personne, une subtile réflexion sur la subjectivité du regard.
L'un des maîtres du genre, son aisance dans le travail du noir et blanc et du clair-obscur a conquis tout le monde.
David n'hésite pas à le comparer à un extraterrestre de la bande dessinée, venu nous servir un nouvel OVNI dont il a le secret.
Mitchul compare le travail de l'auteur à Francis Masse (On m'appelle l'avalanche) dans son graphisme ou les situations absurdes, ou encore à Fred (L'histoire du Corbac aux baskets, Philémon) pour le détournement des codes narratif et la poésie qui se dégage de l'album.
Champi insiste sur tout le talent de l'auteur à explorer toutes les potentialités d'un sujet, comparant l'histoire à un Rubik's cube graphique.
Ma chronique sera finalement le contrepoids de tous ces avis enjoués, car j'ai pour ma part trouvé le début laborieux. Mais je ne peux que reconnaitre la grande maîtrise de Marc-Antoine Mathieu.