Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill (Regnaud & Bravo)

Publié le par k.bd

entete ma maman

 

Après avoir mis la mort à toutes les sauces, il est temps de tirer une dernière révérence à la grande faucheuse, tout en préparant déjà le terrain pour le thème du mois d’août. Voici donc venu le temps des rires et des chants, des enfants heureux et des monstres gentils, un pays joyeux où, le temps d’un dernier récit, il nous faudra cependant peupler une dernière fois le paradis…

Tout débute le lundi 14 septembre 1970. Pour Jean (Regnaud), c'est le premier jour à l'école des grands. Il a à peine le temps de découvrir ses nouveaux camarades, que vient déjà le moment particulièrement angoissant des présentations. Lorsque la maîtresse veut connaître la profession de leurs parents, il perd rapidement ses mots, devient tout rouge, étouffe de chaleur et a les oreilles qui bourdonnent. Malgré l’affolement, il parvient tout de même à bredouiller quelque chose qui passe inaperçu. Ouf, personne ne s'est rendu compte qu'il ne savait pas très bien où était sa maman...

Après Aleksis Strogonov et Ivoire, le duo Jean Regnaud et Emile Bravo livrent un one-shot empli de simplicité et d’authenticité qui va puiser dans les souvenirs d’enfance du scénariste. Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill est l’histoire d’un garçon de six ans qui vit avec son petit frère, son père souvent absent et sa gouvernante Yvette, mais dont la maman est partie en voyage. Au fil des pages, il quitte lentement le monde de la petite-enfance et prend conscience de la nature de ce voyage lointain effectué par celle dont il a plus en plus de mal à se souvenir.

Ma Maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill est avant tout l’histoire émouvante d’un enfant qui traverse une période de transition dans un monde d’adultes qu’il ne comprend pas toujours. Un petit garçon très curieux et plein de vie qui éprouve le besoin grandissant de trouver des réponses à ses nombreux « Pourquoi ? ». Le monde imaginaire dans lequel il se réfugie encore ne parvient plus à apaiser complètement ses questionnements et ses inquiétudes, ni à combler ce manque persistant qui demeure inexpliqué par un père ne sachant pas comment attaquer le sujet et par un entourage évitant soigneusement d’aborder ce tabou familial.

Tout en jouant avec l’imagination fertile des plus petits et en surfant sur nos souvenirs d’enfance, ce conte doux-amer va questionner le lecteur quant à l’utilité de cacher certaines vérités aux enfants. En traitant d'un sujet grave et difficile de façon drôle et innocente, à travers le regard d’un enfant, les auteurs proposent non seulement une réflexion sur la mort, mais également une réflexion sur la vie. La fine frontière entre monde réel et monde imaginaire plonge cet album dans une ambiance originale. Le ton du récit est juste, rempli d’une fraicheur enfantine et permet d’aborder les non-dits, le rapport à l’absence et à la mort de manière ludique, pertinente, sans tomber dans le larmoyant. Du coup cette lecture découpée en quatorze chapitres parvient à mélanger mélancolie, tristesse et humour de manière fort naturelle et efficace.

Le dessin tout en simplicité d’Emile Bravo (Une épatante aventure de Jules, Le journal d'un ingénu) et les tons pastel, collent parfaitement à ce monde écolier et à l’ambiance enfantine. Ce coup de crayon qui évite soigneusement d’en faire trop en abordant un sujet aussi difficile, vient achever de détendre l’atmosphère avec des bouilles toutes rondes et pleines de bonhomie. Voguant entre la bande dessinée et le conte illustré, cette lecture à la fin émouvante s’avère ainsi non seulement parfaitement adaptée aux plus petits, mais saura également ravir les papas et, assurément, les mamans.

Les cinq membres de K.BD sont en tous cas unanimes. Mo’ a été soufflée par la fluidité du récit, par l’alchimie entre le travail du dessinateur et du scénariste et par la facilité avec laquelle les auteurs nous mettent sur la piste tout en laissant Jean nager entre les nombreux non-dits. Champi a également su apprécier cette œuvre sensible qui voyage bien plus loin que l'Amérique. Lunch et Badelel sont tous deux conquis par cette œuvre sensible et juste, à la portée de tous, qui se savoure avec nostalgie, se lit et se relit, toujours avec plaisir. Quant à moi, je vous invite à lire ce petit chef-d’œuvre qui clôture de bien belle manière le thème particulièrement morbide de ce mois de juillet, en vous promettant d’ores et déjà un sujet beaucoup plus joyeux pour la deuxième moitié de cette période estivale.

 

avatar yvan couleur

Publié dans Synthèses

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V
<br /> Un bien beau souvenir de lecture!<br /> Et j'ai hâte de découvrir la sélection BD du pays joyeux! Quel suspense!<br /> <br /> <br />
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